Publication : 06 Novembre 2025 Temps de lecture : 7 min

La formation professionnelle connaît de profondes mutations, animée par le double objectif de renforcer les compétences et de les ancrer dans la durée, au plus près des besoins du terrain. Dans ce contexte, évaluer ne peut plus se limiter à mesurer un résultat final ! L’enjeu est de passer d’une culture du contrôle à une culture du progrès où l’évaluation devient un levier d’accompagnement et de développement. Elle ne clôt plus un parcours, mais le nourrit, soutient la montée en compétences et garantit la qualité des apprentissages. C’est ce qu’on appelle l’évaluation formative, une approche en phase avec les attentes des apprenants et les exigences du secteur de l’emploi à domicile, aux avant-postes de cette transformation.

Quand l’apprenant devient acteur de sa progression

Avec l’évaluation formative, il n’est plus question d’évaluer pour sanctionner, mais pour faire grandir. Cette approche bouleverse en profondeur les postures de l’apprenant et du formateur. 

Le formateur n’a plus pour simple mission de valider des acquis. Il devient un facilitateur qui accompagne, questionne et guide la progression de l’apprenant tout au long du parcours.

De son côté, l’apprenant ne se trouve plus dans une posture passive de récepteur des connaissances. Il observe ses pratiques, analyse ses réussites et ses erreurs, se fixe des objectifs, s’autoévalue, apprend à ajuster ses actions… En d’autres termes, il devient acteur de sa montée en compétences. Ces réflexes nourrissent dans le même temps sa conscience professionnelle et réhabilitent le droit à l’erreur comme moteur d’apprentissage. Ils font émerger une intelligence de la pratique qui rejoint la philosophie du « faire pour apprendre » largement répandue dans le domaine de la formation.

L’évaluation formative devient un acte pédagogique à part entière qui installe une dynamique d’apprentissage continu. Elle prend une résonance particulière dans les métiers de la relation humaine, comme ceux de l’emploi à domicile où la compétence se construit dans l’interaction.

De la mesure à la régulation des apprentissages

L’évaluation formative s’inscrit dans un changement plus large des pratiques éducatives et s’inspire notamment des travaux du sociologue de l’éducation Philippe Perrenoud pour qui « évaluer, c’est réguler les apprentissages ».

Cette approche favorise en effet la réflexivité, soutient l’autonomie et transforme la relation pédagogique en un dialogue permanent. Le formateur devient un guide réflexif et le garant d’un cadre bienveillant dans lequel l’apprenant peut expérimenter, se tromper et recommencer. Des  conditions essentielles pour libérer le potentiel d’apprentissage !

Cette approche s’enracine également dans les travaux de Guy Le Boterf, expert de la gestion et du développement des compétences et des parcours de professionnalisation, qui souligne la valeur de l’action comme source de savoir et de motivation. Autrement dit, c’est dans la mise en situation réelle que les compétences se construisent, se consolident et trouvent leur sens.

Ainsi comprise, l’évaluation devient un puissant outil de développement professionnel, un espace où chacun apprend à se situer, à comprendre ses forces, ses axes d’évolution et à agir sur eux.

Évaluer pour accompagner la construction des compétences

Évaluer autrement, c’est reconnaître la valeur de la progression et du cheminement et pas uniquement celle du résultat.

L’évaluation formative met notamment l’accent sur l’importance des apprentissages intermédiaires, des ajustements successifs et des tentatives. Ces étapes souvent invisibles dans les modèles d’évaluation traditionnels sont pourtant déterminantes, notamment dans les métiers du domicile où les savoir-faire s’affinent dans la durée et au contact des personnes accompagnées.

Cette approche permet donc de rendre visible des compétences jusqu’ici peu prises en compte comme l’écoute, la patience, la capacité d’adaptation ou la qualité du lien créé. Elle devient aussi une manière de reconnaître que ces savoirs tacites constituent une part essentielle du savoir-faire, bien au-delà des simples gestes techniques.

La prise en compte de ces compétences relationnelles dans l’évaluation constitue un véritable champ d’innovation pédagogique pour les acteurs de la formation !

Vers une culture partagée de l’évaluation

L’évaluation formative fait aussi évoluer la culture collective des organismes de formation et la posture des différentes parties prenantes.

Le formateur devient un animateur de feedbacks constructifs, tandis que l’apprenant évolue dans un écosystème collaboratif dans lequel il co-construit les conditions de sa réussite avec des pairs, des tuteurs et des formateurs.

Cette dynamique de coopération fait dans le même temps émerger une culture partagée de l’évaluation, plus horizontale et davantage basée sur la confiance et le dialogue.

  Progressivement, une véritable culture de l’évaluation plus ouverte et plus participative se construit et favorise la reconnaissance des progrès, la co-construction des savoirs et l’autonomie de l’apprenant.

Trois leviers pour la mise en œuvre d’une évaluation formative efficace

L’évaluation n’est pas une fin en soi, mais un moyen de faire progresser l’apprenant. 
Plusieurs approches expérimentées et enrichies par les acteurs de la formation aident les apprenants à mieux se situer, partager leurs expériences et valoriser leurs apprentissages. L’auto-évaluation constitue le premier pas vers cette autonomie. Elle permet à chaque apprenant d’analyser ses réussites, d’identifier ses marges de progression et de fixer ses propres objectifs. En prenant conscience de ses forces et de ses besoins, il devient le véritable acteur de son parcours d’apprentissage.

La co-évaluation entre pairs prolonge cette dynamique en ouvrant la formation à la richesse du collectif. Observer un collègue en situation, échanger des retours ou verbaliser sa pratique sont autant d’expériences qui font émerger une intelligence partagée du métier.

Enfin, les outils vivants et contextualisés, tels que les carnets d’apprentissage, les grilles d’observation ou les plateformes collaboratives, ancrent cette logique dans le quotidien. Contrairement aux grilles d’évaluation classiques plus figées, ces supports sont conçus pour la pratique réelle. Ils rendent les progrès visibles, facilitent le suivi des apprentissages et nourrissent un dialogue continu entre formateur et apprenant.

Vers une culture du progrès continu

Aujourd’hui, évaluer autrement, c’est apprendre autrement et accepter que la compétence se construit dans le temps par l’expérience et la réflexion partagée. Former, accompagner, évaluer constituent les trois dimensions de ce modèle conçu pour faire grandir les compétences tout au long de la vie.

Cette approche s’inscrit dans un mouvement plus vaste reliant innovation pédagogique, exigence de qualité et confiance dans la capacité de chacun à progresser. Elle redéfinit la culture de la formation professionnelle en plaçant l’évaluation non plus comme un verdict, mais comme un levier d’émancipation, de reconnaissance et de sens.


Demain, la valeur d’une formation ne se mesurera plus seulement à ce qu’elle enseigne, mais à ce qu’elle permet de construire. C’est dans cette vision que se dessine l’avenir d’une formation professionnelle qui ne se contente plus de transmettre, mais qui fait grandir.