L’adaptation au vieillissement est un enjeu majeur pour notre société. Nous sommes engagés sur ce sujet et nous disposons d’une connaissance étendue des publics les plus fragiles puisque nous formons depuis 30 ans des assistants de vie. Tout aidant, toute entreprise, toute personne impliquée dans l’accompagnement des personnes peut avoir besoin d’être sensibilisée pour mieux accompagner. Comprendre le processus du vieillissement et les problématiques qu’il engendre, apprendre à mieux communiquer avec les séniors : sur ces sujets, notre Centre de formation entreprises (CFE) a organisé un atelier au sein de notre Campus à Alençon. 3 heures instructives et immersives. Reportage.
Comprendre le vieillissement : un enjeu de société
Une ère de prévention
Pour animer cet atelier, Sylvain Deneux, Responsable du CFE, a fait appel à l’expertise à Laurence Pétin. La formatrice peut se prévaloir d’un parcours de plus de 30 ans auprès des séniors : dans le domaine médical, en résidence autonomie, mais également dans l’accompagnement du vieillissement dans le parc social. Pour introduire le sujet, elle a rappelé l’entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2016 de la loi d'adaptation de la société au vieillissement avec, pour objectif, la mobilisation de moyens publics afin de rendre aux personnes âgées le pouvoir sur leur parcours de vie en prenant en compte leur diversité. « Cette loi a mis en évidence les aidants et la professionnalisation des métiers de l’accompagnement. Nous sommes entrés dans une ère de prévention » a ajouté Laurence Pétin.
Elle a également précisé qu’il n’y a pas une seule population de seniors mais trois grandes catégories qui « n’ont pas le même cadre de référence » : les 65-70 ans, ceux autour de 80 ans et enfin, les grands séniors de 88 ans et plus.
Un sujet fédérateur pour les particuliers et les professionnels
Qui sont les participants à cet atelier ? Wendy représente un bailleur social de l’Orne et souligne que « Le vieillissement est un enjeu très important pour les bailleurs sociaux. Il va falloir prévoir l’adaptation des logements ». A ses côtés, Geneviève, retraitée, qui travaillait dans le service de pédiatrie de l’hôpital d’Alençon, participe afin de trouver « des idées d’aménagements » pour son domicile. Bruno, pour sa part, est chargé de prévention et de promotion de la santé pour une mutuelle et précise : « comme nous ne sommes pas des experts, nous nous rapprochons d’eux ». Quant à Christophe, gérant d’une agence de services d’aide à domicile, il est venu « pour adapter la relation aux bénéficiaires rencontrés dans le cadre professionnel, m’informer sur la formation pour les salariés, et par curiosité personnelle ». Citons également Béatrice, responsable d’une résidence autonomie, Salomé, coach autonomie pour l’association MCE-M3S, et sa collègue Marine, chargée de projet pour le déploiement d’une plateforme des métiers de l’autonomie. Pour compléter ce tour de table, Aline représente un cabinet de conseil ; Bénédicte, sa voisine, est chargée de mission d’un service public départemental de l’autonomie ; Sylvie, qui travaille dans la formation, a pour objectif de « mettre en place des ateliers sur les séniors » et enfin, Isabelle est présente pour renforcer ses compétences afin de mener son projet de reconversion professionnelle dans le domaine du sport santé, pour accompagner des personnes qui ont besoin de reprendre une activité physique.
« Le vieillissement n’est pas une maladie »
Pour introduire le sujet du vieillissement et pouvoir ensuite aborder la question de la communication avec les séniors, Laurence Pétin précise que les problèmes liés à l’âge se révèlent souvent autour de 75 ans et constate qu’« Accepter de vieillir, ce n’est pas facile ». Avancer en âge peut s’accompagner de pertes fonctionnelles, affectives, sociales et psychologiques : « La tête veut mais le corps ne veut et/ou ne peut plus toujours. Et ça il faut l’entendre ! ». Ce processus naturel se caractérise par un « travail de deuil inlassablement renouvelé, par l’acceptation du regard des autres sur soi ». Non sans humour, la formatrice constate qu’à partir d’un certain âge, il est « Rare que les séniors n’aient pas leur « ogue » : radiologue, cardiologue, rhumatologue... ». Elle rappelle que l’hygiène et la qualité de vie influent sur le processus du vieillissement, ainsi que la génétique, tout en martelant que « Le vieillissement n’est pas une maladie. Vieillir est une chance, perdre son autonomie ne l’est pas ».
Les manifestations physiques du vieillissement
Le vieillissement cognitif
Vieillir n’est pas une pathologie mais s’accompagne irrémédiablement d’un déclin des facultés. A commencer par celles liées au système nerveux : la mémoire peut flancher, les réactions sont plus lentes, les rythmes biologiques se modifient (le sommeil par exemple). Laurence Pétin indique que les études font état d’un Français sur 4 de plus de 65 ans atteint par la maladie d’Alzheimer. Pour illustrer concrètement la perte cognitive, la formatrice propose un test « grandeur nature ». Elle impose un temps de réaction de 15 secondes entre une question posée à l’assistance (« comment allez-vous ?) et la réponse apportée par les participants. Une éternité ! Et tout le monde s’accorde à dire que « c’est très long », « c’est énorme ». Ce manque de réactivité est une réalité et nécessite de « laisser du temps au sénior pour assimiler une question, et ne pas donner trop d’informations d’un coup ». Laurence Pétin partage deux conseils : « quand je pose une question, je dois attendre la réponse. Par ailleurs, pour bien expliquer les choses à quelqu’un qui présente un trouble cognitif, il faut aller dans son sens. Il ne faut pas le braquer ».
Les troubles cognitifs ont également des incidences sur les réflexes : le traitement de l’information est plus lent, le risque de chute est plus important, tout comme le risque de brûlure ou l’incontinence. Tout cela contribue à renforcer le risque d’isolement.
Le vieillissement des organes
La vue est une faculté qui régresse avec l’âge (cataracte, Dégénérescence Maculaire Liée à l’Age (DMLA), presbytie, etc.) et cela a une grande incidence sur la communication : « nous voyons moins les expressions, la vision est parfois limitée aux côtés, les couleurs disparaissent ». L’’ouïe est aussi mise à mal en vieillissant, entrainant des difficultés de compréhension et d’interactions.
Les appareils respiratoire et cardio vasculaire sont moins fonctionnels, tout comme l’appareil locomoteur (fibres musculaires, vieillissement osseux, fragilisation cartilages, usure mécanique articulaire). Pour compléter ce tableau, la formatrice souligne le déclin du système immunitaire, l’apparition possible de troubles de l’équilibre, une moindre hydratation (« la déshydratation amène à de nombreux troubles cognitifs »). Moins grave, mais malgré tout handicapant, Laurence Pétin évoque aussi la perte du goût et de l’odorat, précisant que « le dernier sens que l’on garde c’est le toucher ».
Dans la peau d’un sénior de 85 ans : le simulateur révélateur
Parce que la théorie n’est jamais aussi évocatrice qu’associée à une mise en pratique, les participants à l’atelier sont invités à essayer le simulateur de vieillesse, à savoir un équipement de 17 kilos (au total) permettant de se mettre dans la peau d’une personne de 85 ans et ressentir physiquement le vieillissement corporel.
Cet harnachement est constitué d’un gilet de 12 kg (pour simuler la diminution de la capacité pulmonaire, la perte de la ceinture abdominale et la faiblesse de la colonne vertébrale), mais aussi de prothèses lestées pour les genoux et les coudes, de sur-chaussures pour la perte de sensibilité, sans oublier un casque pour la perte d’audition, et des lunettes pour simuler une perte de vision périphérique ou une DMLA. Un vieillissement radical qui provoque des réactions immédiates parmi les volontaires. Pour Isabelle, le corps est comme dans « un carcan ». Laurence Pétin lui demande de s’assoir et d’écrire, d’essayer de se servir un verre d’eau, ce qu’elle effectue avec lenteur et difficulté. Ses réactions en direct parlent d’elles-mêmes : « Je ne vois rien, j’ai du mal à attendre. Il y a un isolement complet. C’est usant ! ». Quelques minutes plus tard, après avoir retrouvé toutes ses capacités, elle ajoute : « Ce simulateur est très enrichissant car on ressent vraiment les choses, on peut évaluer la pertinence de ses gestes ».
Sylvie, pour sa part, est très déstabilisée : « Je ressens un malaise, je ne sais pas où poser mes pieds, je ne les vois pas, j’ai peur de tomber. C’est infernal, c’est tellement lourd ! Je dois faire des efforts énormes ».
Quant à Bénédicte, elle se dit « très gênée au niveau de la cage thoracique, des pieds et des jambes. Je ne m’attendais pas à ça, c’est pire que ce que j’imaginais. J’ai une mère de 84 ans, je me mets à sa place maintenant ». Mission accomplie !
Stratégies pour mieux communiquer avec les personnes âgées
Adapter son langage verbal et non verbal
Conscients de l’impact réel de la vieillesse sur la diminution des facultés physiques, les participants sont très à l’écoute des outils que Laurence Pétin partage pour adapter leur communication aux personnes âgées. Cette mise en situation a permis de faire comprendre qu’il faut tenir compte du cadre de référence (vue, audition, troubles, etc.).
La formatrice insiste sur l’importance du ton employé et sur la manière de dire les choses, précisant qu’on est de plus en plus sensible avec l’âge. Elle ajoute que, sans une communication adaptée, « Il peut y avoir un monde entre ce qu’on dit et ce que l’autre entend. Il faut bien prendre conscience qu’on parle aussi avec son visage et ses expressions, le non-verbal est très important ». Lorsqu’on sent une hésitation, il est opportun de demander : « Est-ce que j’ai été clair dans mes propos, vous m’avez compris ? »
Pour compléter, Laurence Pétin demande de définir l’empathie. Les réponses sont : « prendre soin », « se mettre à la place de l’autre ». La formatrice rectifie : « l’empathie c’est dire « je comprends ce que vous vivez et ressentez mais je ne me mets pas à votre place », car je ne peux pas prendre la place de l’autre ».
Créer un environnement propice à l’échange
Comprendre ce que le sénior vit et ressent, cela se traduit par la prise en compte de son avis, de ses besoins, même si parfois on ne peut pas y répondre. Et la formatrice conseille de ne pas s’excuser lorsqu’on n’a pas la solution. Elle ajoute que « La communication peut améliorer les relations ou les rendre plus difficiles » et que parfois, il est plus efficace d’écouter et de ne pas chercher à conseiller. « On a tendance à dire aux séniors tout ce qu’ils doivent faire alors que poser la question « qu’est-ce que vous en pensez ? » les rend acteurs, ça change tout ».
Laurence Pétin conclut en donnant 4 principes à retenir : vieillir n’est pas une chose facile dans une société qui flatte le jeune, le beau, l’actif ; les personnes âgées ont leur propre représentation de leur vieillesse et de leurs handicaps ; la personne âgée modifie son mode de vie avec la montée des handicaps et enfin, les choix des professionnels ne sont pas toujours ceux des personnes concernées.
L’enjeu de la formation des aidants et des professionnels
A l’issue de l’atelier, les réactions des participants ne se font pas attendre. Christophe a beaucoup appris « sur le temps de réponse, sur la relation. Ça m’a éclairé sur l’estime de soi, je ne percevais pas l’importance de la part psychologique ». Pour Sylvie, « l’animation de l’atelier était incroyable, avec beaucoup d’exemples et de situations concrètes ». Wendy nous explique que « Toute la partie sur la communication était très intéressante. Ça peut paraitre simple mais ça ne l’est pas. Cela m’a donné envie d’organiser des formations pour nos personnels. Pour nous, en tant que bailleurs, le sujet des personnes âgées est crucial. Il faut s’adapter à eux, faire du cas par cas pour que les logements correspondent aux besoins. Il va falloir y apporter beaucoup d’attention dans les années à venir, la sensibilisation est cruciale ». Former, c’est aussi ce que retient Bruno qui préconise « une mise en pratique et la sensibilisation des gens qui travaillent auprès des personnes âgées ».
Pour approfondir le sujet du logement, afin de comprendre les besoins spécifiques des locataires âgés ou en situation de dépendance et les obligations des bailleurs sociaux, nous vous donnons rendez-vous le 14 avril prochain, sur notre chaîne Webikeo. Sylvain Deneux, Responsable du CFE de l’UDD, animera un webinaire avec Laurence Petin sur le thème : « Bailleurs sociaux : sensibilisez vos salariés aux attentes et besoins spécifiques des locataires âgés ».